Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices
La Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’OCDE (l’« instrument multilatéral » ou IM) a maintenant force de loi au Canada. L’IM correspond à l’action 15 du projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (aussi appelé BEPS, d’après Base Erosion and Profits Shifting) de l’OCDE. Pour les contribuables qui réclament des avantages au titre de conventions fiscales bilatérales du Canada, l’IM entre en vigueur le 1er janvier 2020 en ce qui touche les retenues en vertu de 28 conventions bilatérales[1]; il entre en vigueur pour les années d’imposition qui commencent à compter du 1er juin 2020 quant à tous les autres impôts levés par le Canada ou par un des pays signataires de ces conventions bilatérales.
L’instrument multilatéral établit un processus de « réserve » qui permet au Canada ou à l’autre partie à la convention bilatérale de se réserver le droit de ne pas appliquer certaines dispositions de l’IM. Si l’un ou l’autre pays formule une réserve à l’égard de la totalité ou d’une partie d’une disposition de l’IM, celle-ci peut ne pas s’appliquer ou peut s’appliquer sous une forme modifiée relativement au traité bilatéral en cause.
L’article 7 de l’IM (Prévenir l’utilisation abusive des conventions) instaure un critère des objets principaux (COP) global selon lequel les avantages prévus par une convention seraient refusés « s’il est raisonnable de conclure, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances propres à la situation, que l’octroi de cet avantage était l’un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction ayant permis, directement ou indirectement, de l’obtenir ». Une réserve ne peut être émise relativement aux COP que si « [l’État contractant] a l’intention d’adopter une règle détaillée de limitation des avantages complétée par des mécanismes visant les sociétés-relais ou par une règle du critère des objets principaux, et de satisfaire ainsi la norme minimale visant à prévenir l’utilisation abusive des conventions fiscales définie dans le cadre du Projet BEPS de l’OCDE et du G20 ». Dans le cadre de l’instrument de ratification qu’il a déposé à l’OCDE le 29 août 2019, le gouvernement canadien a fait une déclaration selon laquelle le Canada acceptait l’application des COP à titre de mesure provisoire, mais avait néanmoins l’intention d’adopter, dans la mesure du possible, une disposition de limitation des avantages, en plus du paragraphe 1 de l’article 7 ou en remplacement de celui-ci, au moyen de négociations bilatérales.
L’article 8 de l’IM prescrit une période de détention minimale pour bénéficier de taux de retenue réduits sur les dividendes. L’article 9 prévoit une règle de retour en arrière de 365 jours pour vérifier si des actions ou d’autres participations dans des entités tirent leur valeur principalement de biens immobiliers ou réels, ce afin d’établir quel pays a compétence pour l’imposition des gains en capital.
Le Canada a émis des réserves pour l’ensemble des articles 10 à 15 de l’IM, qui portent sur les règles anti‑abus visant les établissements stables dans un pays tiers (article 10), l’application d’une convention à un pays relativement à ses propres résidents (article 11), les accords de commissionnaire et autres stratégies similaires (article 12), les exceptions au statut d’établissement stable applicables à certaines activités spécifiques (article 13), le fractionnement de contrats (article 14) et la définition d’une personne étroitement liée à une entreprise (article 15).
L’IM établit également des cadres de procédure régissant la procédure amiable et l’arbitrage obligatoire et contraignant qui s’appliqueront aux conventions bilatérales du Canada si l’autre partie à la convention a aussi choisi d’appliquer les dispositions d’arbitrage obligatoire.
Tous les États contractants n’ont pas adopté l’IM, et certains (notamment les États-Unis) ne l’adopteront jamais. Quant aux États contractants qui ont adopté l’IM, il faut, pour savoir dans quelle mesure l’IM s’appliquera à la convention bilatérale conclue entre le Canada et l’un de ces États, consulter les réserves émises et par le Canada et par l’autre État contractant. Déterminer les règles applicables à la situation d’un contribuable constitue maintenant un exercice en soi, cela sans compter l’analyse, l’interprétation et l’application d’une multitude de nouvelles règles. L’OCDE a élaboré un outil d’appariement (Beta) qui permet de déterminer quelles dispositions de l’IM s’appliquent entre deux pays signataires d’un traité bilatéral. Cet outil est accessible à http://www.oecd.org/fr/fiscalite/conventions/base-de-donnees-pour-l-appariement-de-l-im.htm.
Imposition différée des apports à des sociétés de personnes – publication du règlement définitif pris en vertu de l’alinéa 721(c) du Code.
Le 17 janvier, le département du Trésor des États-Unis a publié le règlement définitif que lui permet de prendre l’alinéa 721(c) du Code. Ce pouvoir réglementaire existe dans le Code depuis 1997; en janvier 2017, des dispositions réglementaires temporaires et proposées avaient été publiées, et ce sont celles-ci qui sont devenues définitives cette année. Selon le nouveau règlement, en cas de certains transferts, par une personne des États-Unis à une société de personne, d’actifs ayant acquis de la valeur en échange d’une participation dans la société de personnes, le transfert entraîne un gain en capital imposable lorsque la société de personne cessionnaire a des associés étrangers liés à l’auteur du transfert.
L’alinéa 721(a) du Code est le pendant américain du paragraphe 97(2) de la Loi, qui permet que certains transferts, à une société de personnes, d’actifs ayant acquis de la valeur en échange d’une participation dans la société de personnes soient effectués au coût et à imposition différée. Le pendant canadien au règlement relatif à l’alinéa 721(c) (dans une certaine mesure) est la définition de « société de personnes canadienne » énoncée dans la Loi. Du point de vue de la politique fiscale, le fisc canadien s’inquiète du fait que des gains glissent entre les mailles du filet fiscal canadien lorsqu’ils sont transférés par roulement à une société de personnes; c’est la raison pour laquelle le roulement n’est permis que si tous les associés sont des résidents canadiens. Le département du Trésor des États-Unis a adopté une approche plus nuancée à l’égard de cette préoccupation légitime de politique fiscale.
En quelques mots, la règle générale de la disposition d’assujettissement, au paragraphe § 1.721(c)-2 du Règlement du département du Trésor, porte que le report d’impôt prévu à l’alinéa 721(a) du Code ne peut être invoqué dans les cas d’apports de biens visés à l’alinéa 721(c) à une société de personnes visée à l’alinéa 721(c). Les biens dont traite l’alinéa 721(c) sont généralement des biens ayant acquis de la valeur qui constituent des apports transférés par une personne des États-Unis à une société de personnes, autres que des équivalents de trésorerie, la plupart des titres ayant pris de la valeur, des biens matériels dont la valeur comptable excède la valeur fiscale de 20 000 $ tout au plus ou dont la valeur fiscale rajustée excède la valeur comptable et une participation dans une société de personnes dont au moins 90 % de la valeur est tirée, directement ou indirectement, des actifs exclus susmentionnés.
Une société de personnes visée à l’alinéa 721(c) est définie comme étant une société de personnes étrangère ou interne à laquelle est fait un apport de biens auquel s’applique l’alinéa 721(c) si, après l’apport et les opérations liées, une personne étrangère liée par rapport à la personne des États-Unis qui est l’auteur du transfert est un associé direct ou indirect de la société de personnes et si ledit auteur du transfert ainsi que des personnes liées sont propriétaires d’au moins 80 % des participations dans le capital, les bénéfices, les déductions ou les pertes de la société de personnes.
Une méthode de report des gains est prévue pour les transferts qui devraient autrement faire l’objet d’une constatation des gains, si certaines conditions procédurales et de fond énoncées au paragraphe § 1.721(c)-3 du Règlement du département du Trésor sont remplies.
© Thomson Reuters Canada Limited. Publié dans Vol. 6, no. 1 de Sans imposition, février 2020
[1]Australie, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Islande, Inde, Irlande, Israël, Japon, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Russie, Serbie, Singapour, République slovaque, Slovénie, Suède, Suisse, Ukraine, Émirats arabes unis, Royaume-Uni.