Les gains en capital sur change étranger

Par Heela D. Walker
Le 20 mars, 2017

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Ce n’est pas un secret que les Canadiens aiment partir dans le sud durant l’hiver pour jouir de la chaleur et de la lumière de soleil d’États tels que la Floride, l’Arizona, la Californie, les Carolines et l’Hawaii. En fait, beaucoup de Canadiens achètent des propriétés dans l’un de ces États. Certes, aller aux États-Unis implique des dépenses en dollars américains (USD). Aujourd’hui et depuis plusieurs années, il coûte aux Canadiens une prime de plus de 30% pour aller aux États-Unis et dépenser leurs revenus durement gagnés là-bas.

Une conséquence a été une baisse dans le nombre de Canadiens qui visitent les États-Unis. Le tourisme américain a décru au point que certaines destinations populaires chez les « snowbirds » canadiens telles que Myrtle Beach font la publicité auprès des Canadiens à l’effet qu’elles acceptent désormais d’échanger les dollars canadiens avec les dollars américains sur un taux d’un dollar canadien pour un dollar américain et ce, dans le but de stimuler l’économie locale. Voyager aux États-Unis demeure, toutefois, pour la plupart des destinations, une proposition coûteuse.

L’environnement actuel a poussé des Canadiens propriétaires d’immobilier américain à sortir du marché américain. Dans beaucoup d’instances des ventes ont eu lieu même lorsque le propriétaire n’a pas réalisé un gain en capital sur la vente de la propriété. En fait, l’élan à vendre a été poussé par un désir de capitaliser sur un dollar américain en hausse.

En 2010, lorsque le dollar canadien était à parité avec le dollar américain, le marché américain a vu un afflux d’acheteurs canadiens de l’immobilier américain. Lorsque ces acheteurs ont acheté au moment où le dollar canadien était à parité avec le dollar américain et vendent maintenant leurs propriétés américaines au moment où le taux de change est un dollar américain pour 1,3 dollars canadiens, ils réalisent un gain en capital sur change étranger en plus de tout gain en capital qu’ils réalisent sur l’immobilier en soi.

Nous savons que lorsqu’un Canadien vend de l’immobilier américain, il est tenu de produire une déclaration de revenus aux États-Unis pour rapporter tout gain ou perte résultant de la vente. Il est aussi assujetti aux règles de retenue prévues par la loi FIRPTA. Ces règles de retenue ne sont pas le sujet de notre article, mais nous invitons à lire notre article sur ce sujet. Le même gain ou perte en capital doit être déclaré au Canada, mais tout impôt payé aux États-Unis est normalement déductible de tout impôt canadien en vertu du traité fiscal entre le Canada et les États-Unis. Ce traité prévoit que des crédits d’impôt étranger peuvent être appliqués contre l’impôt canadien dû. Lorsque les devises dans pays sont différentes, des calculs additionnels sont requis pour tenir compte des valeurs différentes.

La Loi de l’impôt sur le revenu du Canada établit des règles pour calculer un gain ou une perte en capital sur la vente d’un bien en capital qui a été fait dans une devise étrangère. Il convient d’illustrer l’application de ces règles avec l’exemple suivant.

 

L’exemple

En 2010, Susan Snowbird achète un condominium à Naples en Floride pour 500 000$ USD. Lors de la clôture de la transaction, le dollar canadien était à parité avec le dollar américain. Susan et sa famille située à Toronto visitaient régulièrement Naples chaque hiver pendant plusieurs années. En 2016, Susan décide de vendre le condominium pour 500 000$ USD. Elle planifie convertir le montant de la vente (en dollars américains) en dollars canadiens afin de prendre avantage de la faible valeur du dollar canadien. Le taux de change lors la clôture la vente de la propriété était de 1$ USD pour 1,3$ USD.

Puisque Susan a vendu le condominium au même prix auquel elle l’a acheté six ans avant, il est évident qu’elle n’a pas réalisé un gain en capital sur la vente de la propriété. Toutefois, le tableau ci-dessous démontre qu’elle a su réaliser un gain en capital sur le taux de change entre le dollar américain et le dollar canadien.

Ce tableau reflète aussi les taux d’imposition auxquels Susan est assujettie aux États-Unis et au Canada. Puisque Susan a été propriétaire pendant plus d’un an, la propriété constitue un bien en capital pour les fins de l’impôt sur les gains en capital aux États-Unis. Ainsi, elle est éligible pour le taux d’imposition américain sur les gains en capital à long terme. Présumant que Susan se situe dans le palier d’impôt fédéral américain le plus élevé, le taux marginal de 20%, soit le taux le plus élevé, s’appliquera à la vente. L’État de la Floride ne prélève pas d’impôt sur les particuliers. Il n’y a donc pas d’impôt à payer au niveau de l’État. Présumant que Susan se situe dans le palier d’impôt le plus élevé au Canada, elle serait assujettie à un taux fédéral et provincial (ontarien en l’occurrence) combiné de 26,67%.

  Impôt sur les gains en capital aux États-Unis (dollars américains ou USD) Impôt sur les gains en capital au Canada (dollars canadiens ou CAD)
Montant de vente 500 000$ 650 000$
Prix de base 500 000$ 500 000$
Gain en capital Aucun 150 000$
Le taux d’imposition marginal maximal de 20% sur les gains en capital aux États-Unis Aucun
Le taux d’imposition fédéral et ontarien combiné de 26,67% 40 140$
Moins le crédit d’impôt étranger pour tenir compte de l’impôt déjà payé aux États-Unis. Toutefois, puisqu’aucun impôt n’a été payé aux États-Unis, aucun crédit d’impôt étranger ne s’appliquera. Aucun Aucun
L’impôt sur le revenu canadien net dû   40,140$

Le tableau ci-haut illustre que pour les fins de conformité fiscale américaine il n’y pas de gain ou d’impôt dû (bien qu’une retenue en vertu de la loi FIRPTA puisse être requise). Au Canada, toutefois, Susan doit déclarer un gain en capital qui reflète le montant de vente de 500 000$ USD multiplié par le taux de change de 1$ USD pour 1,3$ CAD, ce qui est égale à 650 000$ CAD. Puisque les devises étaient à parité au moment qu’elle a acheté la propriété en 2010, son prix de base pour les fins fiscales canadiennes est le même que pour les fins fiscales américaines, soit 500 000$ CAD. Ayant seulement déclaré un gain au Canada, Susan payera seulement de l’impôt à l’Agence de revenu du Canada au taux marginal applicable.

Après impôt, Susan récolte un montant de 109 860$ CAD de la vente de la propriété en Floride uniquement en raison du gain en capital sur change étranger.

Pour souligner la différence lorsqu’un gain est déclaré aux États-Unis, prenons un autre exemple. Dans cet exemple, Susan vend le condominium pour 600 000$ USD.

Impôt sur les gains en capital aux États-Unis (dollars américains ou USD) Impôt sur les gains en capital au Canada (dollars canadiens ou CAD)
Montant de vente 600 000$ 780 000$
Prix de base 500 000$ 500 000$
Gain en capital 100 000$ 280 000$
Le taux d’imposition marginal maximal de 20% sur les gains en capital aux États-Unis 20 000$
Le taux d’imposition fédéral et ontarien combiné de 26,67% 74 928$
Moins le crédit d’impôt étranger pour tenir compte de l’impôt de 20 000$ USD payé aux États-Unis converti en dollars canadiens (CAD) au taux de change de 1$ USD pour 1,3$ CAD (26 000$)
L’impôt sur le revenu canadien net dû   48 928$

Dans cet exemple, Susan réalise un gain en capital de 100 000$ US et paie un impôt de 20% à l’Internal Revenue Service, le fisc américain. Au Canada, elle réalise un gain considérablement plus élevé de 280 000$ CAD après avoir tenu compte des composantes de l’immobilier et du taux de change. Susan peut appliquer des crédits d’impôt étranger pour déduire de l’impôt canadien dû, l’impôt qu’elle a déjà payé aux États-Unis (après avoir converti l’impôt américain payé dans son équivalent en dollars canadiens). Ultimement, Susan récolte 231 072$ CAD.

Il y a plusieurs leçons à tirer de ces deux exemples. En premier lieu, lorsque vous capitalisez sur un dollar américain fort, vous pouvez réaliser un gain en capital sur change étranger même si aucun gain en capital ne résulte de la vente de la propriété en soi. En deuxième lieu, il faut se rappeler que le traité fiscal entre le Canada et les États-Unis est au bénéfice des vendeurs canadiens de propriétés immobilières américaines. En effet, même lorsqu’un gain en capital résulte de la vente d’immobilier des deux bords de la frontière, le traité assure que le fardeau fiscal dû au Canada est réduit. La vente d’une propriété immobilière américaine est une décision importante même sans tenir compte du taux de change applicable. Obtenir des conseils transfrontaliers par des professionnels peut s’avérer bénéfique dans l’évaluation des conséquences fiscales de la vente d’un bien situé à l’étranger.

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