Ce qui est à moi n’est pas forcément à toi: la planification successorale

Par Samantha Wu
Le 25 mars 2014

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Suite à un divorce, plusieurs Canadiens ont la chance de refaire leur vie, sous la forme d’une union de fait ou même d’un second mariage. D’après les statistiques de 2011, les familles recomposées (dans lesquelles chaque époux a des enfants d’un mariage précédent) sont devenues une norme nationale, avec une famille avec enfants sur huit étant recomposée. Cet article abordera les différentes questions de planification successorale qui peuvent se poser au sein de ces dites familles.

Dès que les relations avec la famille du nouvel époux commencent, la planification successorale devient alors plus compliquée et il devient nécessaire de prendre des mesures spécifiques pour faire en sorte de protéger les enfants issus du premier mariage et ou votre nouvel (le) époux (se) au moment de votre décès en s’assurant que votre patrimoine soit distribué aux bénéficiaires souhaités.

Certains couples décident de ne pas se marier et choisissent l’union de fait. Il est important de savoir qu’en Ontario, l’union de fait n’a pas le même statut que le mariage en matière de droit des successions. A titre d’exemple, les conjoints de fait n’ont pas le droit de réclamer leur part de la succession de leur défunt époux si celui-ci n’a pas laissé de testament. Par conséquent, les conjoints de fait devraient toujours consulter un expert en planification successorale pour être sûrs que leurs dernières volontés soient clairement exprimées dans leurs testaments.

Protéger vos enfants issus d’une première union

La plupart des conjoints des familles recomposées veulent être sûrs que leurs enfants et leur nouvel(le) époux(se) seront protégés après leur décès. Cependant, une planification successorale classique pourrait ne pas être idéale si le couple n’a pas d’enfants biologiques en commun. La clé d’une bonne planification successorale dans les familles recomposées est de faire attention à l’équilibre des intérêts entre le(la) nouvel(le) époux(se) et les enfants, ainsi que la protection des avoirs. Sans planification adaptée, il est possible de courir le risque de déshériter ses enfants issus d’une première union.

Afin d’illustrer ce risque, imaginons le scenario classique suivant: A et B ont chacun 2 enfants issus d’un mariage précédent. Ils se mettent d’accord pour qu’au décès du premier d’entre eux, l’époux survivant soit l’unique bénéficiaire de la succession; et qu’au décès du second époux, toute la succession soit divisée en part égale pour les 4 enfants. Des testaments miroirs sont donc rédigés. A première vue, ce plan paraît être juste pour chaque personne concernée, surtout si chaque époux entretient de bonnes relations avec les enfants de l’autre. Cependant, il faut garder en mémoire que si l’époux A prédécède l’époux B, rien n’empêchera à l’époux B de changer son testament. Chaque famille a ses conflits et il sera possible pour l’époux B de désigner comme uniques bénéficiaires ses propres enfants, ignorant ainsi les dernières volontés de l’époux A.

Une solution envisageable pour A pour faire en sorte que B ne manque de rien à son décès tout en s’assurant que sa succession sera distribuée de manière juste, serait de créer une fiducie en faveur B dans son testament. Les fiducies en faveur du conjoint sont flexibles et peuvent contenir certaines restrictions, telles que la distribution des revenus au conjoint survivant durant sa vie tout en réservant tout ou partie du capital aux enfants bénéficiaires.

Protection des avoirs contre l’ex-conjoint

Il est possible que votre nouvelle famille ait besoin d’une protection contre les droits dont pourraient se prévaloir votre ex-conjoint(e). Au moment du divorce, l’accent est généralement mis sur la division des avoirs matrimoniaux ainsi que la garde des enfants, en revanche, peu d’attention est portée sur le fait que la séparation affecte la planification successorale. En Ontario, un divorce ne révoque pas un testament en lui-même mais empêche l’époux de devenir exécuteur (liquidateur) et bénéficiaire. Cependant, un remariage a pour effet de révoquer un testament existant (Section 15 of the Succession Law Reform Act), ce qui peut avoir des conséquences inattendues avec l’entrée en jeu des règles de succession sans testament (ab intestat).

Si le couple se sépare sans divorcer et qu’un des époux décède par la suite, l’époux survivant conserve ses droits accordés par le testament. Si l’époux décède sans laisser de testament, alors l’époux séparé héritera sur la base des règles successorales de l’Ontario applicables en l’absence de testament. Cela pourrait résulter à la désignation de l’époux comme seul bénéficiaire, au mépris de la volonté du défunt. Il est donc important de réviser son testament au moment d’une séparation.

L’immobiler de l’autre côté de la frontière

Lorsqu’ils commencent une nouvelle relation, les époux possèdent souvent déjà un bien immobilier. La planification successorale devient plus compliquée si l’un d’eux possède une propriété de l’autre côté de la frontière, comme c’est le cas de bon nombre de nos clients canadiens. Reprenons l’exemple précédent de A et B, le couple marié au sein d’une famille recomposée. Avant son second mariage, B a acheté une maison de vacances en Floride dont il a profité avec ses 2 filles chaque hiver. Après son mariage avec A, A et ses deux fils se sont joints à B et ses filles pour les vacances annuelles en Floride. Après son décès, B souhaiterais que A ait la possibilité de profiter de la maison en Floride de son vivant , mais souhaiterais que ses filles en soient les seules bénéficiaires.

Étant donné que B possédait la propriété en son nom personnel au moment de son décès, son transfert sera sujet aux procédures de probate (ou homologation) de la Floride. Le probate est une procédure légale qui permet à la succession du défunt d’être distribuée à ses bénéficiaires. Cependant, cette procédure durant laquelle les avoirs de B seront gelés, sera longue et coûteuse pour son conjoint survivant et les enfants. De plus, les tensions au sein d’une famille recomposée, entre enfants et beaux-parents, et ou entre frères et belles-sœurs sont potentiellement plus importantes. Si B ne fait pas clairement part de ses dernières volontés, la procédure de probate serait susceptible de se prolonger en cas de litige. De plus, si B désigne A comme bénéficiaire de la maison, A pourrait alors décider de la vendre et laisser le produit de la vente à ses fils en tant que partie de sa succession.

Pour éviter de telles complications, B pourrait transférer sa propriété de Floride dans une fiducie transfrontalière (cross border trust) qui permet d’éviter les procédures de probate et de gardiennage (en cas d’incapacité de B). Si le transfert est correctement fait, alors il ne déclenchera pas d’impôt sur le gain en capital ou de taxes de transfert en Floride. Une fiducie permettra à l’époux survivant de continuer à profiter de la propriété de son vivant et aux bénéficiaires désignés d’en hériter au moment de son décès. Si la fiducie est correctement rédigée, elle permettra aussi à A de vendre la propriété et de profiter des intérêts sur le capital tandis que le capital en lui-même sera distribué aux enfants de B, conformément à sa volonté.

De nombreuses questions d’ordre successoral sont à prendre en compte dans une famille recomposée. Il est important de les aborder avec un professionnel d’Altro LLP afin de planifier au mieux votre succession.

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